La crise, quelle crise ?
Cher internaute,
Quelques jours ont passés depuis mes derniers messages, vous vous dites certainement, mais où est-il passé ?
Je crois que je viens justement de traverser une semaine particulière, comme je le décrivais dans le cycle de la création d'entreprise : enthousiasme - bonheur - joie ... doutes - hésitation - peur ... et la boucle est infinie.
Ce message sera peut-être, à la différence des autres, un vrai témoignage à l'attention de tous ceux qui souhaitent se lancer dans un projet. La route est longue, les obstacles nombreux, et seule la détermination peut permettre d'arriver au bout de son projet.
Car tout le monde a la bonne idée d'entreprise, ou au moins une idée ! Mais entre l'idée et le projet il y a un pas, et entre le projet et la réalité il y a un fossé...
Au début de cette semaine, je déposais la marque de mon entreprise, le sourire jusqu'aux oreilles. A la fin, j'étais sur cadremploi, dans l'espoir salvateur de me réfugier au chaud dans une boite, à un bon poste...
C'est cyclique, je vous l'ai dit ! Et voilà 6 mois que ça dure...
... Normalement si mes plans sont bons je posterai un message plein d'enthousiasme et de bonheur dans quelques jours !
Oui, cette semaine fut particulière. L'ambiance de plus en plus difficile dans mon entreprise me pousse à accélérer mon envie de me lancer, et parallèlement les difficultés économiques qui empoissonnent l'actualité refroidissent toute envie d'entreprendre. Je ne parle pas de LA crise, financière, économique, telle que les médias nous la décrivent. Celle-ci est impalpable, imperceptible, racontée, transformée... elle n'a finalement pas un vrai impact sur nos décisions au quotidien.
Pour moi, la crise s'est vraiment matérialisée sous deux formes : le licenciement d'un salarié dans l'entreprise dans laquelle je travail, et le recrutement qui s'en est suivit... 140 candidatures reçues en 2 jours, un profil de bac +2 demandé, et pourtant des bac +5 qui se bousculent, des cadres qui postulent à un poste d'assistant, des prétentions salariales qui sont divisées par deux si l'on intimide le candidat en entretien...
La voilà, la crise. Cette crise.
Pour moi, le contexte économique dont tous les journaux nous parlent n'était qu'une chimère, un fantasme collectif d'une banqueroute générale, dans l'espoir que l'on recommence à zéro. Mais le contexte économique ne m'a pas empêché de maintenir mon niveau de dépense, de me faire un resto quand j'en avais envie, de renoncer à toute initiative de peur de perdre son job...
Et pourtant, soudainement, sans prévenir, elle s'est matérialisée.
Paf, en pleine figure, j'ai pris conscience d'une réalité qui m'échappait. Je le reconnais maintenant, le contexte est difficile.
Alors cette semaine fut particulière, tout est parti de là. Je me suis posé beaucoup de questions, j'ai revu en boucle mes chiffres prévisionnels, mon business model, je me suis renseigné une énième fois sur le marché des agences de communication... et au final, je n'en tire qu'une conclusion : vous donnez à votre entreprise la dimension que vous serez capable de lui apporter.
3 000 agences de communication se créent chaque année en France, et 3 000 disparaissent chaque année. Le renouvellement de ce marché est donc constant. Que faut-il en retenir ? Y aller ? Ne pas y aller ? La réponse en réalité n'existe pas. Je l'ai également compris ces derniers jours. A un ami entrepreneur, je décris mon projet, mon business plan, et je lui pose LA question : "alors à ton avis, ça va marcher ?"
Question simple, réponse simple ?
Naïvement j'attendais un oui ou non. C'est binaire, propre, efficace.
Et pourtant non, bien sur, je n'ai pas eu cette réponse. Au départ frustré, j'ai fini par comprendre la teneur des propos de mon interlocuteur. "Tout dépend de ce que toi, tu vas en faire". Je répond "mais à ton avis, j'y vais ? Ca peut marcher ?", nouvelle réponse "C'est à toi de faire en sorte que ça marche".
Au début frustré, je me suis rendu à l'évidence qu'il était naif de ma part d'attendre une réponse claire.
Et vous, que feriez-vous face à ce genre de question ? Vous auriez finalement, exactement les même réponses.
J'ai compris ce jour là que le plus important n'est pas le projet, encore moins le business plan et ces chiffres idéalisés. L'important, c'est le créateur, l'entrepreneur, celui qui fera de cette idée soit le business du siècle, soit une coquille vide qui ne prendra pas...
Difficile à entendre ? Oui. Et pourtant c'est la réalité. Voilà 10 fois que vous recommencez votre business plan, que vous jouez avec les chiffres, que vous vous faites peur, puis que vous vous faites plaisir en multipliant le CA par 2 ? Bienvenu dans le monde de l'entrepreneuriat !
Et pourtant... ce document servira tout au moins à convaincre un banquier, tout au plus à vous rassurer.
Pour autant, je ne dis pas qu'il faut s'en passer. Cette étape est indispensable pour se faire une idée claire du projet, et pour avoir un outil de pilotage par la suite. Mais c'est tout. Au delà, il n'apporte aucune réponse de plus. Ce projet va t'il marcher, oui, non ? Personne ne vous répondra sur papier.
Lorsque l'on échange avec des business angel, certains vous diront qu'ils ont parfois investit des centaines de milliers d'euros dans un projet décrit sur 2 pages seulement...
Courageux ! Mais pas un seul d'entre eux n'a déjà investit dans un projet, sans jamais, jamais, rencontrer son porteur. Celui est la clé, tout simplement.
Voilà pourquoi cette semaine, les questions ne tournaient plus autour de mon projet, auquel intrinsèquement je crois, mais autour de moi.
En suis-je capable ? Suis-je prêt à quitter un poste quand on se bouscule de l'autre côté pour en obtenir un ? Suis-je prêt à passer par une, voire deux premières années difficiles ? A l'heure où la parole est à la crise, la réaction va dans les valeurs refuges. On se replie, on se rassure, on évolue dans un cadre sain et serein, à priori sous contrôle, et surtout, surtout, pas de prise de risque !
Renoncer à mon job alors que les gens se battent pour en avoir un ? Pour vous faire une métaphore, ça serait comme bazarder son frigo plein en période de famine.
Suicidaire et incompréhensible.
Je viens de découvrir une nouvelle phase dans la préparation d'un projet : la culpabilité.
Et pourtant,
Pourtant avec tout ce que je viens de traverser, et la situation que je viens de décrire. Je crois que plus jamais, je suis déterminé à aller jusqu'au bout.
Ce blog me permet sans doute de rendre moins coupable une décision qui pourrait y ressembler, si celle-ci était dépourvue d'explications.
Maintenant que c'est fait, ça va beaucoup mieux. Ma décision prise depuis longtemps est maintenant confortée, je quitte mon job et je me lance.
Inconnu, instable, imperceptible... jamais telle perspective d'avenir ne m'a rendu... si heureux.
Alexandre.